LICENCE AES                                                                                                      2007 – 2008

 

POLITIQUE MACROECONOMIQUE

 

TD8 : Pourquoi le policy mix ?

 

 

L’application du policy mix durant les Trente Glorieuses s’est révelée profitable pour les pays occidentaux où la forte croissance et le plein d’emploi étaient les principaux objectifs. Le risque inflationniste a commencé à faire sentir une récession et a réduit l’efficacité de l’instrument du politique économique. La décennie 1990 est marquée par une coordination efficace des politiques économiques aux Etats-Unis sous les administrations de Clinton alors qu’en Europe, la mise en place de la monnaie unique affecte les configurations des politiques budgétaires et monétaires en période de restriction. Dans le contexte économique actuel, il semble difficile de conduire des politiques économiques destinées à parvenir au carré magique. Il est question de savoir quelle est la place du policy mix, à l’état actuel, dans les économies de la zone euro et aux Etats-Unis. Et quelles sont les instruments disponibles conduisant aux objectifs finaux dans un contexte macroéconomique contraignant ?

  

I.               Coordination des politiques économiques comme moyen efficace mais contestable…

 

A.     Définition, objectifs et mise en œuvre du politcy mix

 

Le terme « policy mix » désigne l’orientation macroéconomique à court terme conjointe de la politique budgétaire et de la politique monétaire. Il s’agit d’une combinaison ou d’une articulation des politiques économiques, en l’occurrence principalement de la politique monétaire (Banque centrale) et de la politique budgétaire (gouvernement). Le principal objectif des politiques coordonnées (politique expansionniste, budgétaire et monétaire) est la croissance et l’emploi. Le risque d’inflation et la déséquilibre extérieur sont considérés comme les risques dominants d’une telle démarche.

 

L’idée de policy mix est d’inspiration keynésienne de relance. Dans le modèle ISLM, la relance budgétaire suivie d’une relance monétaire entraîne un double déplacement du IS et LM (à voir également la relance croisée): le déplacement de l’IS mené par une dépense publique provoque un accroissement de la demande (consommation privée et investissement) par le mécanisme de multiplicateur keynésien, l’emploi et la croissance sont soutenus par la demande des biens et de services. Toutefois, le taux d’intérêt tend à augmenter du fait d’une hausse de la demande d’encaisse. Les risques sont présents: d’une part, l’effet d’éviction par une hausse du taux d’intérêt et une balance commerciale déficitaire (demande intérieure élevée) se traduit par une baisse de l’investissement, de l’emploi et du revenu ; et d’autre part la tension inflationniste si l’économie est déjà en plein emploi (argument néoclassique). Le policy mix se traduit par une mise en place de l’émission monétaire et une baisse du taux d’intérêt par la Banque centrale, ce qui entraîne un déplacement de la courbe LM. Dans ce cas, on observera une réduction du coût de crédit qui provoquera une incitation à l’investissement, l’emploi et la croissance. Au final, les politiques expansionnistes conjointement budgétaires et monétaires parviennent à une croissance supérieure, l’effet d’éviction par la hausse du taux d’intérêt est éliminé. L’efficacité est totale. Dans le cas d’une coordination des politiques économiques restrictives, l’objectif est généralement de parvenir à la stabilité des prix (optique monératiste).  

 

Quelques mots sur la mise en place des politiques coordonnées. En fait, la coordination des politiques exige une organisation institutionnelle efficace entre le gouvernement (politique budgétaire) et la Banque centrale (politique monétaire). Le principe d’indépendance est souvent remis en cause lorsque la décision de la Banque centrale est fonction du gouvernement. Les décisions des autorités politiques doivent avoir les mêmes objectifs au même moment afin d’atteindre l’objectif de croissance (expansionniste) ou de stabilité des prix (restrictive)

 

 

B.     Efficacité discutable et risques non négligeables de la coordination des politiques

 

 

Les atouts et les inconvénients du policy mix constituent un débat théorique entre la pensée keynésienne et monétariste ou la nouvelle macroéconomie classique. 

 

Le modèle des avantages comparatifs de Mundell (doc 1 p2), qualifié de modèle statique, avance un argument selon lequel la solution optimale consiste à affecter un instrument à l’objectif qu’il influence le plus relativement. Par exemple, dans le cadre d’une politique monétaire restrictive, si la hausse du taux d’intérêt affecte plus les prix que le déficit budgétaire, la politique monétaire doit être un instrument de stabilité des prix. Si la relance budgétaire entraîne davantage la croissance que la hausse du taux d’intérêt, elle aura pour objectif d’améliorer la croissance économique.

 

L’efficacité du policy mix est sous certaines conditions: les expansions budgétaires et monétaires ne doivent pas engendrer une tension inflationniste. Selon Keynes, les hypothèses implicites, l’équilibre sous emploi et la rigidité des prix, au moins à court terme, permettent de limiter la hausse des prix et des salaires (coûts de production).

 

La version monétariste remet en cause l’efficacité du policy mix : la relance monétaire produit un effet inflationniste à long terme par le biais d’une demande excédentaire et la capacité limitée de production puisque l’économie est au en plein emploi. A cela, ajoutons l’équivalence rocardienne : le déficit budgétaire d’aujourd’hui est responsable d’une hausse des impôts de demain, les agents économiques sont incités à épargner au détriment de la consommation du moment (doc 1 p2). Enfin, le problème du déficit budgétaire et la soutenabilité de la dette imposent des conditions peu favorables à la relance budgétaire (revoir le dernier td).

 

Le policy mix n’est pas efficace dans le sens de la nouvelle macroéconomie classique (version dynamique du modèle de Mundell) : lors d’une émission monétaire, les anticipations inflationnistes jouent à plein effet. Les agents économiques sont amenés à demander une hausse du niveau de salaire, la demande excédentaire induit une hausse des prix. Par conséquent, selon ce modèle il convient de d’affecter la politique monétaire à la stabilité des prix et le contrôle budgétaire simultané. Dans ce même ordre d’idée, le principe d’incohérence temporelle est également évoqué: les anticipations inflationnistes suite d’une annonce de la politique restrictive incitent les salariés à demander une hausse des salaires par crainte d’une hausse de la future dépense budgétaire (doc 1 p3). L’inflation provient alors d’une hausse des salaires et la demande. La politique budgétaire est radicalement inefficace.

 

Le policy mix dans la zone euro et aux Etats-unis suscite une série de polémiques en matière de convergence d’objectifs et d’efficacité. La BCE privilège la stabilité des prix (version monétariste) imposée par les règles de la monnaie unique et la politique budgétaire est contrainte par une règle du PSC et l’endettement croissant. Aux Etats-Unis, la Fed mène une politique monétaire discrétionnaire pour la croissance et l’emploi dans un contexte du déficit budgétaire accru.  

 

II.            La zone euro aux règles de politiques économiques et les Etats-Unis aux capacités discrétionnaires

 

A.     Démarches et contraintes de la mise en place du policy mix

 

Le policy mix aux USA est qualifié plutôt de réactif contrairement à la zone euro où l’inertie prédomine. La réactivité américaine vis-à-vis du politcy mix vient du fait que la coordination des politiques est l’initiative du gouvernement et de la Fed en matière de croissance économique et d’e l’emploi, placé en second plan la stabilité des prix. Contrairement à cette idée, dans la zone euro, la BCE se charge de la surveillance de l’évolution des prix alors que les pays membres n’ont qu’un seul instrument budgétaire de relance qui souffre du déficit et de l’endettement. Il est alors difficile d’imaginer une coordination efficace comparée à la version américaine.

 

Commençons par la politique monétaire. Dès la mise en place de l’euro, la politique monétaire dans la zone euro est plutôt accommodante, ce qui permet d’alléger les charges de la dette par un taux d’intérêt bas au moment d’une faible inflation (graphique 2 p.3 doc1). Toutefois, la baisse du taux directeur correspond à la baisse du déficit, c'est-à-dire à une baisse des dépenses publiques. En fait, la relance économique par une réduction du taux d’intérêt aurait dû impliquer une relance budgétaire mais, comme on vient de voir, la politique budgétaire est restrictive. Le caractère contra-cyclique est plus prononcé aux Etats-Unis. (doc12 p4).

 

Aux Etats-Unis, en 2001, le taux d’intérêt court passe de 6,5 % à 1,75 % contre une baisse seulement 1,5 point dans la zone euro et le solde structurel primaire aux USA se détériore de 3 points contre 0,25 points de PIB dans la zone euro, surement à cause d’une contrainte de PSC. Entre 2001 et 2003, malgré une politique monétaire restrictive en 2003, les évolutions du policy mix aux Etats-Unis vont dans le sens d’une relance budgétaire et monétaire alors que la restriction budgétaire combinée à la politique monétaire plus ou moins accommodante s’observe dans la zone euro. Contrairement aux Etats-Unis, le policy mix dans la zone euro ne semble pas suffisamment orienté vers la croissance économique (doc1 p5).

 

Entre 2005 et 2007, la restriction budgétaire persiste dans les deux zones mais la politique monétaire est accommodante aux USA en 2006, et en 2005 dans la zone euro (doc 3 p135 graphique1). L’indicateur de rigueur monétaire et budgétaire 2005-2007 montre que les politiques budgétaires dans les deux zones sont plus ou moins restrictives. La politique monétaire est limitée par la tension inflationniste dans les deux zones (doc3 p135).

 

B.     Bilan plus ou moins positif du policy mix entre deux zones 

 

Les effets favorables sur la croissance américaine de ces politiques conjoncturelles ont été renforcés depuis 2002 par l’impact de la dépréciation du dollar, alors que l’appréciation de l’euro a pesé sur l’activité économique. L’écart de croissance est net à partir de 2002 (graphique1 doc1 p3).

 

Plusieurs raisons démontrant que le policy mix est plus efficace aux Etats-Unis que dans la zone euro ont été avancées : la baisse des taux directeurs a été sensiblement plus importante et plus rapide aux Etats-Unis, les canaux de transmission sont plus efficaces parce qu’ils sont plus en lien avec les mécanismes de refinancement hypothécaire dont l’impact favorable sur la consommation est très important en période de baisse des taux d’intérêt (Le refinancement hypothécaire consiste à regrouper l'ensemble des crédits en cours – prêt immobilier, prêt à la consommation, crédit revolving– en un seul prêt hypothécaire au taux et sur la durée d'un prêt immobilier. La période de remboursement peut s'échelonner jusqu'à 30 ans). Dans la zone euro, la baisse des taux directeurs équivalents semble avoir moins d’impact du fait notamment d’une moindre sensibilité de la consommation aux taux d’intérêt.

 

 

Conclusion

 

Dans un contexte de contraintes budgétaires et de tension inflationniste, le policy mix dans la zone euro semble marginalisé et limité par l’action tardive de la BCE et de la règle de PSC. Il est probablement temps de penser à une politique budgétaire commune ou à une gestion efficace du policy mix au profit non seulement de la stabilité des prix, mais aussi de la croissance. Aux USA, le déficit budgétaire limite progressivement le policy mix, la réactivité de la Fed est au profit de la croissance et de l’emploi. Toutefois, le risque lié à une telle action est, non seulement un creusement d’un déficit budgétaire, mais aussi une crise irréversible de surchauffe inflationniste provoquée par une montée rapide des prix.